Après plusieurs années de silence, Hangar 13 revient bientôt sur le devant de la scène avec Mafia The Old Country, un nouvel opus qui marque à la fois une rupture et une continuité. Construit comme un hommage aux premiers épisodes, mais aussi comme un nouveau départ narratif, le jeu entend bien replacer la série au cœur de ce qu’elle fait de mieux : une expérience cinématographique dense, portée par une narration forte et maîtrisée.
Dans le cadre d’une exclusivité française pour Gameblog, nous avons eu l’opportunité d’interviewer Nick Baynes, président de Hangar 13, ainsi qu’Alex Cox, directeur créatif sur Mafia The Old Country. Une rencontre rare, riche en révélations, qui nous a permis de lever le voile sur les ambitions concrètes de ce nouveau chapitre.
Un projet né du remake
Tout commence à la suite du remake de Mafia The City of Lost Heaven, publié en 2020. Ce projet a agi comme une piqûre de rappel pour l’équipe, qui a replongé dans l’ensemble de la trilogie. « On a ré-analysé ce qui faisait vraiment l’ADN de Mafia », explique Alex Cox. « En revisitant les anciens jeux, on a retrouvé cette approche très narrative, très linéaire, qui fait toute la force de la série. » Selon lui, l’envie de poursuivre dans cette voie s’est imposée naturellement.
Pas question d’aller vers un monde ouvert tentaculaire ou de surcharger l’expérience pour Mafia The Old Country. L’idée était au contraire de viser l’essentiel : un jeu resserré, maîtrisé, qui se concentre sur l’impact des scènes et la qualité d’écriture. « C’est notre philosophie pour ce projet : faire moins, mais le faire beaucoup mieux », résume Nick Baynes.

Un retour assumé à la linéarité avec Mafia The Old Country
Dans un paysage vidéoludique dominé par les expériences sandbox, Mafia The Old Country fait le choix d’un gameplay entièrement scénarisé. Chaque mission, chaque séquence est pensée pour servir la narration. « Ce format linéaire nous permet de garder un contrôle total sur le rythme », détaille Alex Cox. « On peut travailler les transitions, les ambiances, sans jamais briser l’immersion. C’est ce que les joueurs ont aimé dans le remake, et ce qu’ils retrouveront ici. »
Pour les développeurs, ce retour à une structure classique n’est pas un pas en arrière, mais un recentrage. L’objectif est clair : offrir une aventure dense, percutante, que l’on peut vivre jusqu’au bout sans dispersion.

La Sicile, un décor inédit et chargé de sens
Pour ce Mafia The Old Country, Hangar 13 a choisi de quitter le sol américain . L’action se déroulera en Sicile, berceau historique de la mafia. Un choix fort, inédit dans la saga, qui marque un retour aux sources pour la licence. « La mafia américaine, tout le monde la connaît. Mais peu de gens savent vraiment d’où elle vient, ni comment elle s’est structurée au départ », rappelle Nick Baynes. « Ce retour aux racines, c’est ce qui nous a motivés. »
L’époque choisie correspond aux prémices du crime organisé moderne. La mafia y est encore une ombre, un murmure, un pouvoir informel. Cette période trouble permet de tisser un récit plus intime, plus enraciné dans l’histoire et la culture locale.

Une identité cinématographique renforcée dans Mafia The Old Country
Depuis ses débuts, Mafia s’inspire ouvertement du cinéma. Chaque épisode fait référence à un pan bien identifié du 7e art. Mafia The Old Country ne fera pas exception. Mais cette fois, l’influence majeure, omniprésente dès les premiers concepts, c’est Le Parrain.« Il suffit de montrer un personnage marchant dans une ruelle sicilienne, de lui coller une musique inspirée du Parrain, et tout le monde comprend ce qu’on veut évoquer », raconte Nick Baynes. « C’est devenu un raccourci visuel et émotionnel évident pour poser notre ton. »
Le Parrain n’est pas qu’une inspiration esthétique : c’est un pilier fondateur du projet. Le découpage des scènes, l’ambiance sonore, le jeu des acteurs, l’architecture des dialogues… tout est pensé pour donner l’impression de vivre l’expérience d’un grand film mafieux. « On voulait que le joueur se sente comme le personnage principal d’un film mythique. Pas comme un figurant, pas comme un spectateur. Comme s’il vivait son Parrain », insiste Alex Cox.
Si d’autres influences comme les westerns spaghetti ou le cinéma italien des années 70 sont évoquées, elles restent secondaires. L’ombre de Coppola plane sur tout le projet. On la retrouve dans le ton, les silences lourds de sens, les regards appuyés, ou encore dans la structure narrative, pensée comme une montée en tension progressive. Même l’interface minimaliste, le choix des angles de caméra ou les couleurs désaturées traduisent cette volonté de coller à une certaine idée du grand cinéma de la mafia, celui qui a façonné l’imaginaire collectif

Une production nourrie par la recherche et le terrain
Pour restituer la Sicile avec justesse dans Mafia The Old Country, le studio s’est plongé dans une documentation riche. Ouvrages spécialisés, sources universitaires, témoignages… mais aussi immersion directe. Hangar 13 a travaillé en étroite collaboration avec un studio sicilien, Stormind Games, qui les a aidés à capter la culture locale.
« Ils nous ont accompagnés sur le terrain, nous ont montré des lieux, parlé des coutumes, corrigé certains détails… Leur contribution a été essentielle pour donner de la crédibilité au monde qu’on construit. , se souvient Nick Baynes. Ce travail de terrain a nourri l’écriture, la direction artistique, et même le design sonore du jeu. Un engagement rare à cette échelle.

Un doublage inédit en dialecte sicilien dans Mafia The Old Country
Mais le pari le plus audacieux concerne sans doute le doublage complet en dialecte sicilien, proposé aux côtés des versions anglaise, française ou allemande. Un choix rare dans l’industrie, encore plus pour une production de cette envergure. « Ce n’est pas de l’italien classique, c’est vraiment le dialecte local, celui qu’on parle encore dans certaines régions de Sicile », explique Alex Cox. « On a fait appel à des comédiens natifs, encadrés par des coachs linguistiques, et tout le processus a été suivi de très près. C’est une première pour nous, et le résultat est incroyable. »
Selon les développeurs, cette version doublée n’était pas prévue dès le départ. L’idée est venue au fil des recherches, en constatant l’importance du langage dans l’identité culturelle sicilienne. Le dialecte a ensuite été intégré dans les dialogues, les intonations, et même dans certains choix de mise en scène. « On voulait que les personnages sonnent vrais. Qu’un vieil homme sicilien parle comme un vieil homme sicilien, pas comme un acteur américain qui force l’accent », résume Nick Baynes. « Ça paraît simple, mais ça change tout. »
Les sous-titres restent évidemment disponibles dans toutes les langues, y compris avec le doublage sicilien activé, ce qui permet aux joueurs de ne rien perdre de l’intrigue. Mais le studio recommande vivement d’essayer cette version unique. Alex Cox raconte même avoir rejoué l’intégralité du jeu ainsi :
« Je l’ai fait en VO sicilienne du début à la fin. Et je peux vous dire que ça transforme complètement l’expérience. Même si vous ne comprenez pas la langue, vous ressentez l’authenticité, la chaleur, les tensions... C’est une immersion qu’on ne pouvait pas obtenir autrement. »
Ce travail linguistique pousse encore plus loin l’engagement du studio à livrer un jeu profondément ancré dans son décor, jusque dans la voix de ses personnages. Une démarche rarement vue, qui pourrait bien faire école.

Fidélité et nouveauté
En revenant à ses fondamentaux, Mafia The Old Country ne cherche pas à révolutionner la formule, mais à l’affiner avec précision. C’est un jeu qui revendique ses racines tout en regardant vers l’avenir. Son cadre sicilien inédit, son approche narrative assumée, et son esthétique cinématographique léchée en font un projet à part, aussi ambitieux que mesuré.
« C’est un nouveau départ, mais dans la continuité », résume Nick Baynes. « On s’appuie sur ce que la série a toujours fait de mieux, mais avec des outils et des idées neuves. On voulait que The Old Country soit un jeu exigeant, authentique et inoubliable. » Pour Alex Cox, il s’agit aussi d’un positionnement clair dans le paysage actuel : « On vit à une époque où tout est gigantesque, ouvert, rempli de contenu. Nous, on fait le pari inverse. On veut un jeu que les gens terminent. Un jeu qui marque. »
Ce retour aux sources ne s’accompagne pas d’un repli frileux, mais bien d’une affirmation créative forte. L’équipe veut montrer qu’il est possible de raconter une grande histoire dans un cadre resserré, de livrer un jeu à la fois cinématographique, émotionnel et maîtrisé de bout en bout. À l’arrivée, Mafia The Old Country pourrait bien être le Mafia que les fans attendaient sans oser l’imaginer : respectueux de son héritage, mais plus audacieux que jamais dans son exécution.